mardi 29 juin 2010

RALPH LAUREN: SOUS LES FEUX DE LA RAMPE... ET DE LA CRITIQUE

Cela faisait plus d'un mois que nombre de mes amis me tannaient le cuir pour me rendre à la nouvelle boutique de Ralph Lauren, annoncée comme la plus grande de la maison sur le continent européen. Tous s'étaient joints à la procession des "fashion people" et avaient fait le pèlerinage pour se rendre sur le lieu Saint: le 173, boulevard Saint-Germain.
Et en étaient revenus enchantés, élogieux et dithyrambiques:
-"Magnifique !
- Sublime !
- Hallucinant !
- Quoi ?! Tu n'y es pas encore allé ?!!!
- Il faut ABSOLUMENT que tu vois ça !"

En général, je n'aime pas la frénésie qui entoure un évènement. Cette espèce d'excitation artificielle qui crée une attente telle que lorsqu'on découvre l'objet du désir, on est forcément déçu.
Il faut dire aussi, pour être tout à fait franc, que ma nonchalance était liée à mon désintérêt pour Ralph Lauren. J'ai toujours trouvé leurs campagnes ringardes et les collections estampillées "bon goût américain" totalement ennuyeuses.
Quant à la marque RL, je l'ai toujours considérée comme une ligne noyée dans le flot des marques jeanswear; aussi passionnante que les championnats du monde de curling... Bref, pas ma came.

J'ai donc laissé passé deux mois après l'ouverture pour aller visiter les lieux, par une chaude journée écrasante.
Un peu comme au cinéma, lorsqu'on va voir un film longtemps après sa sortie, histoire d'échapper à la transhumance et au battage médiatique qui pourrait nous empêcher de nous faire un avis totalement objectif, là, confortablement calé, au fond de la salle obscure, au frais (ou au chaud selon la saison).
Qu'est-ce qui aurait pu me faire aimer un bon plan marketing, aussi beau soit l'écrin ?

Ne voulant pas mourir idiot et réalisant que pour cela, le transport jusqu'à Saint-Germain-des-Prés serait plus rapide que la lecture entière de la saga des Rougon-Macquart, j'y suis allé.

Bien m'en a pris. J'ai été totalement conquis par le lieu bien sûr (marketing réussi) mais même par certains éléments de la collection.
J'ai été transporté par mes déambulations et suis ressorti totalement bouleversé par ce temps suspendu que je venais de vivre et qui a duré presqu'une heure.
Alors que j'étais ravi de cette découverte et prêt à faire mea culpa de mes préjugés, je suis tombé sur quelques articles qui ont soudainement mis un bémol à mon enthousiasme.
C'était trop beau pour être vrai: le lustre n'était donc pas aussi brillant que ce que j'avais vu ?



173, BOULEVARD SAINT-GERMAIN: "ICI TOUT N'EST QU'ORDRE ET BEAUTE, LUXE, CALME ET VOLUPTE"

Ralph Lauren, dont l'empire est né d'une simple boutique de cravates en 1967 voulait que ce nouvel espace, sur la rive gauche, soit un évènement:
"J'ai voulu créer un espace évoquant le glamour, la culture et l'esprit artistique de Paris, dont je suis tombé amoureux".
En jetant son dévolu sur un hôtel particulier du XVIIe siècle de 2150 mètres carrés, classé aux monuments historiques, il a rempli son ambition.
Le lieu est superbe et magnifiquement restauré; toute sa réussite consiste à nous faire déambuler dans un espace à la fois majestueux et intime. On a l'impression de visiter les appartements d'une famille de la haute-bourgeoisie ou de l'aristocratie.
On se promène au travers de pièces en enfilades alternant les collections et les ambiances et parsemées de cabines d'essayages.




Elles sont distribuées autour d'un grand escalier avec boiseries couvertes de portraits et peintures expressionnistes, desservant cinq étages et s'articulant autour d'un magnifique ascenseur en métal typiquement parisien.

Chaque étage est dédié à une ligne de la marque (Black label, Blue Label, Collection pour les femmes; Black Label, Purple Label et Polo pour les hommes) ainsi que les accessoires et l'horlogerie.


Le dernier étage, lui, est consacré à double RL avec de sublimes bijoux (Harpo ?)

Je dois avouer que j'ai été complètement séduit par la maroquinerie et les pièces en cuir et en daim de la ligne COLLECTION qui sont magnifiquement manufacturées.

Le reste m'a moins plu, mais ça je le savais déjà. Le flacon est si beau, qu'importe l'ivresse...
Tout le brio de l'affaire réside dans sa mise en scène bien sûr: ambiance chic et feutrée qui allie la beauté américaine au chic français. Les pièces sont emplies d'objets chinés qui plantent le décor et déroulent l'histoire des collections. 


Le comble du raffinement est atteint avec un restaurant ,"le Ralph's" qui vous vend de la nourriture américaine presque au prix de la gastronomie française (il faut dire que la viande est directement issue des cheptels de Ralph Lauren en Amérique du Sud !).
Ce restaurant, aménagé au rez-de-chaussée et dans les anciennes écuries, est cosy comme un club pour gentlemen et bénéficie d'une sublime terrasse pavée et arborée installée dans le patio. 

Je suis ressorti totalement ébahi et léger mais mon enthousiasme est vite retombé lorsque j'ai appris ce qui se cachait derrière ce fabuleux décor.
Car tout cela a un prix et j'aurais voulu croire qu'il était seulement dû à la maestria de Ralph Lauren. En fait, le prix cassé du travail de travailleuses indonésiennes permet aussi ce rêve merveilleux...

PT MULIA KNITTING FACTORY: LA-BAS, LE PRIX DE LA SUEUR

Le jour de l'ouverture de sa boutique germanopratine, Ralph Lauren a reçu la légion d'honneur des mains de Nicolas Sarkozy, en présence de Karl Lagerfeld, son ami , lui-même honoré de la même façon deux mois plus tard (cf. l'article le K. Lagerfeld).
Le mois d'avril semblait commencer sous de bons auspices pour le créateur américain, sauf que l'organisation de la Fédération des Peuples solidaires a décidé qu'il en irait autrement.
En effet, elle a dénoncé l'honneur qui lui a été fait par la France, le contestant en raison du fait que le designer "ignore depuis plusieurs années les demandes qui lui sont adressées par les ouvrières indonésiennes qui fabriquent ses vêtements et dont les droits sont bafoués".
L'association a rendu public un communiqué de presse déclarant:
"A l'heure où Ralph Lauren s'apprête à recevoir des mains du chef de l'état la légion d'honneur, les conditions de travail dans lesquelles sont fabriqués les vêtements de luxe portant son nom demeurent très en-deçà de ce qu'exigent les normes fondamentales internationales du travail".
"Plusieurs fois sollicité à ce sujet, Ralph Lauren refuse de répondre, ajoute-t'elle, rappelant que, les conditions de travail chez un de ses fournisseurs ont déjà valu plusieurs campagnes de dénonciation et de procès" au groupe américain.
L'organisation fait valoir qu'en 2008, Peuples Solidaires avait lancé un "appel urgent dénonçant le licenciement abusif, un an plus tôt, de dix neuf salariés d'une de ses usines sous-traitantes en Indonésie".
Ce licenciement aurait eu lieu en raison de "la création par ces salariés d'un syndicat pour défendre leurs droits et améliorer leurs conditions de travail".
Malgré le bruit fait autour de cette affaire auprès de la société Ralph Lauren, "rien n'a bougé" trois ans après.
PT Mulia knitting factory, l'usine incriminée, "multiplie les contrats précaires et applique une politique discriminatoire envers les femmes. Elle refuse de payer les congés maternité et les indemnités obligatoires de santé et de retraite auxquels ces travailleuses ont droit".
Elles ne bénéficient pas non plus des équipements de sécurité adéquats qui leur permettraient de travailler dans des conditions sûres."
L'ensemble de ces infractions est faîte à la fois à l'encontre du droit indonésien mais aussi au mépris des normes fondamentales du travail contenues dans le droit international.

L'organisation s'étonne de la cécité et du silence de la compagnie américaine sur ces violations d'autant qu'en 1997,  la Société Ralph Lauren a élaboré un code de conduite de son entreprise et participe régulièrement à "divers programmes philanthropiques", ce qui l'amène à "être vue comme une entreprise vertueuse".
L'organisation interprète la position de Ralph Lauren comme admettant la violation des droits de ses sous-traitants. Elle dénonce le fait qu'il les laisse perdurer, alors que de son côté, Tommy Hilfiger, confronté à ce type de problème, a accepté d'engager des discussions à ce sujet.
Même si des solutions n'ont pu être trouvées, l'acceptation de Hilfiger a mis en exergue, la passivité de Ralp Lauren.

Cette découverte a pas mal gâché mon plaisir. Tout à coup, je n'ai plus vu du même oeil, les polos colorés joliment pliés et rangés dans un souci de mise en scène chic et glamour. Les coulisses encombrées sont venues déranger cette armoire bien proprette.
Et puis, du coup, il est encore moins question que j'aille manger un vulgaire hamburger facturé 25 euros, aussi joli soit l'écrin-jardin où il me sera servi...

4 commentaires:

  1. Je suis arrivée ici par hasard et c'est avec plaisir que j'ai lu vos posts!
    Et hop, dans mes favoris!
    Et un petit clin d'oeil au "fiancé du pirate", étant de mon côté une "pirate des lagons"!
    Bonne continuation!

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  2. This shop is unbelievable..
    I must have those boots... I need it, need it..

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  3. These boots are made for walking until the end of the world...with smart and style !

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